Excellence, Madame Samia Suluhu Hassan, Présidente de la République Unie de Tanzanie, chère sœur,
Chers collègues,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
Je vous remercie vivement, Madame la Présidente et chère sœur, pour votre aimable invitation et votre accueil chaleureux à l’occasion de ce sommet sur les systèmes alimentaires en Afrique.
La question est vitale et d’actualité. De tout temps, tout ce qui touche à l’agriculture et à la sécurité alimentaire revêt une priorité de premier ordre.
Cela est encore plus évident aujourd’hui pour nos pays confrontés aux effets combinés du changement climatique, de la pandémie de COVID-19 et d’une guerre majeure.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon l’estimation des Nations Unies, plus de 750 millions de personnes, dont près de 240 millions d’africains, vivent aujourd’hui dans l’insécurité alimentaire.
La faim en Afrique n’est pas seulement une préoccupation ; c’est aussi et surtout un grand paradoxe pour un continent de 1,4 milliardd’habitants et 30 millions de km2, disposant de 60%des terres arables non exploitées de la planète et d’abondantes ressources hydriques.
Avec un potentiel aussi immense, l’Afrique ne devrait avoir ni faim ni soif. Bien au contraire, elle devrait pouvoir se nourrir et aider à nourrir le monde au lieu de continuer à importer, et pire encore, à dépendre de l’aide pour satisfaire l’essentiel de ses besoins alimentaires.
il y a 20 ans, nos pays avaient pris l’engagement, dans la Déclaration de Maputo de juillet 2003, d’allouer au moins 10% du budget national à l’agriculture.
la réalisation de cet objectif requiert avant tout un choix volontariste qui joint l’acte à la parole.
A titre d’exemple, au Sénégal, nous avons porté à 12%la part de l’agriculture dans le budget général d’investissement, et augmenté en deux ans de 75% le financement de la campagne agricole saisonnière afin d’accélérer notre marche vers la souveraineté alimentaire.
Nos progrès sont réels, même si les défis à relever restent encore nombreux.
A l’échelle africaine, le Sénégal a organisé en janvier dernier le Dakar II agricole en collaboration avec la BAD, après le Dakar I en octobre 2015.
Dans un contexte de crise mondiale, Dakar II a remis l’objectif de souveraineté alimentaire au cœur de l’agenda continental, avec la participation de 34 Chefs d’Etat et de Gouvernement ; un record pour un sommet sectoriel.
En trois jours, nous avons pu mobiliser un montant de 30 milliards de dollars pour aider à stimuler la production agricole et le commerce de produits alimentaires sur le continent. Depuis lors, ce montant est passé à 72 milliards de dollars.
Je salue l’intérêt constant que M. Akinwumi Adesina, Président du Groupe de la BAD, accorde à l’agriculture et à la sécurité alimentaire en Afrique.
Je rappelle que la Déclaration conjointe sur la sécurité alimentaire issue du Sommet Etats-Unis-Afrique de décembre 2022, va dans le même sens que le Dakar II agricole, avec deux objectifs principaux :
A court terme, il s’agit de répondre aux besoins immédiats de nos pays en matière d’importation d’engrais et de produits alimentaires aux conditions normales du marché.
A moyen et long termes, nous voulons travailler avec la partie américaine et d’autres partenaires en vue d’améliorer de façon durable l’investissement dans la production agricole sur le continent.
Conformément au mandat que le Président en exercice de l’Union Africaine m’a confié, la task force que j’avais mise en place pour le suivi de la Déclaration de Washington lors de mon mandat à la tête de l’Union poursuit les consultations avec la partie américaine.
En tout état de cause, si nous voulons transformer notre potentiel et réaliser nos objectifs de souveraineté alimentaire, il nous faut résolument engager les mutations nécessaires.
J’en vois quatre au moins :
- Premièrement, valoriser davantage la recherche, améliorer la mécanisation agricole et la maîtrise de l’eau, et intensifier l’utilisation de méthodes et technologies modernes, y compris pour la transformation locale des produits ;
- Deuxièmement, augmenter les superficies exploitées bien au-delà des petites fermes familiales ; d’où la nécessité d’aménagements fonciers qui concilient les besoins légitimes de l’agriculture familiale et ceux indispensables de l’agro business qui permet la production à grande échelle.
- Troisièmement, installer des équipements de stockage et de conservation des produits pour éviter les pertes post récolte, et désenclaver les zones de production aux marchés, en renforçant les infrastructures de transport interne et d’interconnexion transfrontalière, afin de faciliter l’accès aux marchés, surtout à l’heure de la ZLECAf ;
- Quatrièmement, enfin, soutenir les petits exploitants, notamment les femmes et les jeunes, par un encadrement et un financement adaptés à leurs besoins.
Il faut, pour ce faire, vaincre les préjugés encore tenaces qui perçoivent l’agriculture comme une activité pour les pauvres, qu’on n’exerce que parce qu’on ne trouve rien d’autre à faire.
Au contraire, la crise actuelle nous rappelle brutalement que l’agriculture, mise aux normes modernes, est un métier noble, une source d’opportunités et d’accomplissement social.
C’est dire qu’aujourd’hui plus que jamais, il urge de rompre avec les préjugés et les pratiques qui continuent d’exposer nos pays à la précarité alimentaire, pour engager une véritable révolution agricole qui, au-delà de la résilience, nous mènera vers la souveraineté alimentaire et la conquête des marchés mondiaux. Je souhaite plein succès à notre sommet et vous remercie de votre aimable attention.
BIG